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SCIENCE et ASTROLOGIE AU début du XVII° siècle. Avril 1976

lundi 20 octobre 2008

Présenté le 23 avril 1976 par le F :. Emile Namer ( Résumé)

A la fin du XVI° et à l’aube du XVII° siècle, s’affrontent encore deux types de connaissances, l’un magique, pour lequel le ciel et le monde sont animés d’intentions qu’il faut deviner et canaliser ; - l’autre positif et scientifique, qui renonce progressivement à l’animisme et au finalisme. Le premier s’est renouvelé au XVI° siècle et enrichi par la découverte des écrits hérétiques ; le second, s’est lentement dégagé du goût du mystère, et a rendu au monde son autonomie.

Comment cette grande aventure humaine a-t-elle pu se produire ? Comment, de la vision Magique, chaude, intime et émerveillée de la nature est-on passé à la rigueur objective, rationnelle et glaciale, mais si efficace d’un univers indifférent à l’inquiétude des hommes ? Quelles en seront les conséquences scientifiques et philosophiques ? Voilà quelques-unes des questions auxquelles on a essayé de répondre succinctement dans cette communication.

L’astrologie, pendant la Renaissance et jusqu’au milieu du XVII° siècle ne prend sa signification que dans le contexte d’une culture et d’une croyance déterminées. Cette culture et cette croyance sont celles qui mettaient l’homme, non seulement en contact avec toute la nature, mais dans une intimité étroite avec elle. La fortune de cette conception s’explique par le fait qu’il existait une secrète correspondance entre le macrocosme et le microcosme, entre le monde et l’homme, et qu’elle se réclamait de l’autorité d’Hermès Trismégiste.

Que devient l’astrologie à l’approche de l’époque moderne ? Arrêtons-nous un moment, sur le plus prestigieux astrologue et alchimiste du milieu du XVI° siècle, Henry Cornélius Agrippa de Nettesheim, l’auteur d’un ouvrage célèbre, « De occulta philosophia » (1533). Il affirme et illustre ce que nous savons déjà, à savoir la dépendance des choses terrestres par rapport aux mouvements et à l’action des astres et à leurs influences. Cependant, il s’y ajoute une particularité, qui rend sa magie intéressante, c’est que le rite n’y suffit pas : il y faut l’intention et l’émotion de l’opérateur, et, en quelque sorte, sa propre transformation par un effort intérieur. En outre, Agrippa ne peut s’empêcher de constater que les faits ne s’accordent pas avec les théories astrologiques, et de s’interroger, dès lors, sur la valeur de toute l’astrologie. Il ne peut s’empêcher de proclamer l’astrologie judiciaire une fallacieuse conjecture d’hommes superstitieux et de s’écrier, désabusé : « Vaines sont toutes ces choses », à moins, ajoute-t-il avec sévérité, « qu’il s’agisse d’un moyen d’extorquer de l’argent aux naïfs, qui se laissent tromper. Si cet art était vrai et compris, d’où vient que tant d’erreurs soient dans les prétendues divinations ? » (De la Vanité des Sciences XXI, 59).

L’astrologie et la magie, pendant la Renaissance, se réclamaient de la révélation hermétique, antérieure à celle du Christ, ayant donc pour elle la double caution de la plus haute antiquité et de la religion chrétienne elle-même, dans sa primitive pureté.

Isaac Casaubon, qui vivait en Angleterre, au début du XVII° siècle, put démontrer, à l’aide de la philologie et de la chronologie, que les fameux Ecrits hermétiques étaient bien postérieurs au christianisme et ne constituaient en aucune façon la révélation des premiers théologiens de l’humanité.

Cependant, l’emprise de l’astrologie était telle depuis près de deux siècles, que deux écrivains, des plus éminents, Campanella en Italie et Robert Fludd en Angleterre, ignorèrent ou refusèrent d’admettre la critique de Casaubon.
Pour Campanella (1563-1639), la religiosité ne se réduisait pas aux dogmes définis par le Concile de Trente : elle confinait au mysticisme et s’accordait parfaitement avec la magie d’Hermès et de toute la Renaissance.
L’autre écrivain illustre, mais lui aussi d’un autre âge, c’est Robert Fludd (1574-1637), qui publia en 1617, en Allemagne, un ouvrage monumental d’astrologie et de magie. Fludd ne faisait que reprendre, en les compliquant peut-être un peu plus, tout ce que nous savons de l’astrologie de la Renaissance et des degrés de l’être qui vont des quatre éléments jusqu’à Dieu, en passant par les diverses sphères, non seulement celles des planètes et des étoiles fixes, mais aussi celles des anges et des archanges, des chérubins et des séraphins, - en tout vingt deux sphères, - sans compter celles, inaccessibles, qui se trouvent dans la zone divine, source des essences et des existences.

Venait ensuite, - et comme en confirmation de la fragilité des constructions spéculatives fondées sur l’hermétisme, - la critique des « libertins ». Les historiens n’ont pas assez remarqué que ce mouvement, qui s’attaquait à toutes les croyances, a constitué une étape considérable de la nouvelle vision du monde. On ne dit pas assez l’importance de la pensée critique et rationnelle s’opposant aux doctrines nébuleuses de la magie, de l’astrologie et, par la même occasion, du dogmatisme étriqué de la plupart des théologiens officiels.

Les premiers résultats de la science, au début du XVII° siècle, vont consacrer, aux yeux de quelques penseurs avertis, le nouvel esprit scientifique, opposé à la magie et à l’astrologie.

Avec Galilée et quelques autres savants, les attractions magiques et cosmiques deviennent de plus en plus suspectes. Une ère nouvelle s’annonçait. La nature physique s’affranchissait de toute influence astrale. Et les lois, définies et découvertes par une méthode expérimentale des plus rigoureuses, gardaient leur entière autonomie à l’égard des forces surnaturelles, astrologiques, magiques ou théologiques.

Qu’on ne s’y trompe pas : les mathématiques n’ont pour Galilée qu’une valeur instrumentale. Il n’y cherche pas l’essence des choses. Pour lui, l’expérience seule, s’appuyant sur une élaboration préalable, puis sur un dispositif matériel, construit à cet effet, doit vérifier, dans chaque cas, si les facteurs imaginés et analysés, répondent à la perception commune.
Le déterminisme implicite ou explicite chez Galilée, c’est de croire que la nature doit se comporter de la même façon dans une situation donnée. Le déterminisme, affirmé en droit, n’était, en fait, qu’approximativement vérifié. Ce qu’il y a de remarquable dans le nouvel esprit scientifique, c’est que les lois sont perfectibles dans la mesure ou le savant se rapproche des conditions théoriques.

Quant à la réalité métaphysique de la matière, Galilée a bien pensé à l’atomisme de Démocrite et au magnétisme de Gilbert ; mais ni l’un ni l’autre n’ont pu satisfaire à son exigence de démonstration ou de vérification, et ne lui ont pas paru être des fondements assez sûrs. Aussi se contente-t-il de déterminer le plus possible les lois de la dynamique terrestre et bientôt céleste, laissant aux philosophes traditionnels le soin de scruter la substance de la matière et les causes profondes de l’accélération du mouvement naturel.

A-t-on gagné, a-t-on perdu à ce changement de perspective ? à ce passage du monde astrologique et magique, à un monde de mesures et de prévisions exactes ? Il est certain que l’homme a la nostalgie du mystère et du merveilleux. Mais l’aventure de la science, telle que Galilée, surtout, l’a instituée, a aussi de quoi nous étonner. Et même celui qui n’a pas eu de formation scientifique ne doit-il pas s’émerveiller des techniques modernes que sont les applications de la science ?

L’homme en est-il plus heureux ? N’aspire-t-il pas à des croyances en l’au-delà ? Ici le problème est un peu différent. D’abord il ne s’agit pas d’alimenter les âmes avec des succédanés astrologiques de la foi. Ensuite, ce qui compte, ce n’est pas de rendre l’homme heureux, au risque d’éveiller en lui une mentalité primitive qui sommeille. Ce qui compte, c’est de développer en lui le sentiment de sa dignité, même si, comprenant et sentant mieux et plus, il risque d’en souffrir un peu.